Une affaire de zigzag et une plongée en écriture

La suite du Journal de traduction de Melancolia de Mircea Cărtărescu 

17 février

A Wuhan, les gens restent bloqués chez eux. Dans Melancolia, c’est le début du voyage du garçonnet. Il emprunte son premier pont. Il en avait déjà vu sans oser les emprunter. J’ai la phrase suivante dont les trois derniers mots font l’objet de cette note :

Photo @Laure Hinckel

« Des dizaines de fois il avait craint de suivre cette voie céleste, parce que, de la fenêtre, tu n’en voyais pas le bout, tu ne le voyais que s’amincir vers l‘horizon jusqu’à ce que la branche descendante, de l’épaisseur d’un fil d’araignée, descende sur les bâtiments care zigzagau orizontul. »

C’est limpide, le verbe décrit le fait d’aller dans un sens et dans l’autre en décrivant un zigzag… 

Ici je dois intervenir avec le recul d’une année: j’ai loupé mon coup. J’allais écrire comme dans mes notes de l’époque que le verbe zigzaguer n’est pas transitif, que je suis contrainte d’écrire plus platement « les bâtiments qui déformaient l’horizon »… Mais j’avais tort. Je n’avais pas vérifié, il se trouve que Flaubert a utilisé le verbe zigzaguer dans son usage transitif ! C’est dans la phrase suivante: On avait tendu du linge sur l’esplanade, les cordes où séchaient les chemises du concierge la zigzaguaient dans tous les sens (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 170). Ce cher Flaubert! Dans le regard de l’enfant, la ligne de crête des bâtiments bucarestois forme des zigzags sur l’horizon. J’aurais vraiment pu écrire « …sur les bâtiments qui zigzaguaient l’horizon » et j’enrage de ne pas l’avoir fait. Est-ce que vous  imaginez l’effet de la micro-brûlure que provoque une telle révélation à moi-même?

*

Je n’ai toujours pas de nouvelles de ce qui est prévu au Salon du Livre pour faire écho à la sortie de Solénoïde en août dernier… Pas de nouvelles non plus de ce qui est prévu pour les villes invitées, Timisoara et Bucarest. Il y aurait tant de choses à dire et à mettre en valeur par l’intermédiaire des écrivains roumains et de leurs œuvres! 

J’ai terminé hier la relecture de ce que j’appelle mon « superbe catalogue de traductions à publier ». Méthode Coué ou pas, j’y vais. Il y a différents genres, des textes plus ambitieux que d’autres. J’ai plus travaillé sur les textes les plus anciens, ce qui est logique, car la traduction a mûri. Je trouve que c’est un beau programme. Je ne dis rien de l’auteur ni du contexte. Cela viendra après. Le lecteur aimera ou pas le texte tel qu’il est. Je ne vois pas mieux pour l’instant, pour susciter l’intérêt des éditeurs pour mes auteurs, pour mon inédit d’Eliade, pour le très beau roman de Matei Visniec, pour celui de Claudiu Florian, Les âges du jeu, pour la romancière Doina Rusti, pour Dora Pavel et ses intrigues psychologiques…  

*

L’autre soir, grâce à Hélène Gaudy qui en a parlé à la Maison de la poésie, j’ai découvert, dans le train de retour de Paris, une romancière russe que je place déjà tout contre mon cœur. Lydia Tchoukovskaia a écrit La Plongée, un texte qui évoque, en pleine période stalinienne, une traductrice parlant de son écriture d’écrivain. C’est magnifique.

A suivre, demain même heure

 

Cliquez, vous défendrez avec moi les librairies de quartier!

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.