16 février
Le petit héros de la première nouvelle, dans Melancolia, joue souvent avec des « jeux en morceaux », ou des « pièces à jouer ».
Il s’agit de manière évidente de puzzles (quoique parfois, on aurait pu imaginer ces jeux formés de cubes dont les six faces racontent des histoires différentes…). Il y a ces passages :
Mais Mircea Cărtărescu n’écrit pas le mot puzzle. Alors je n’écris pas le mot puzzle moi non plus. Je vois dans ce choix de l’écrivain l’intention de dire autre chose que ce que dit simplement le mot emprunté à l’anglais, à savoir tout ce que le mot puzzle cache de vérité et d’image fragmentée, éparpillée: en morceaux.
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J’ai du mal à retenir mon esprit qui ricoche presque à chaque page!
Je crois que ce texte fait remonter des bulles d’émotion des profondeurs de ma propre enfance. Comment ne pas fondre à l’intérieur de soi et se retrouver à plat ventre sur le tapis en train de vivre nos vies et nos fantasmes! L’enfant dans le livre manipule un clown, un chat à visage humain et un petit cheval. Moi, j’ai eu toute une société de grenouilles en papier. De la grand-mère au bébé grenouille, tout ce monde s’agitait autour du pied des lits gigognes!
L’intensité et l’incandescence des jeux de rôle dont les poupées ou les grenouilles en papier étaient nos supports révèlent un monde où l’on détenait le pouvoir total, celui de l’enfant qu’on était.
Au terme d’un passage d’une grande beauté (p. 41-42), l’enfant descend jusqu’à « la dalle de nacre » du sommeil, « la plus profonde, où il pouvait enfin s’allonger et rêver ». J’ai l’intuition que le petit enfant, au terme de ses voyages sur les ponts, trouvera une issue à travers les poupées gigognes de sa propre personnalité.
Le texte m’emporte, je traduis une page de plus, mais un de mes tentacules reste accroché au marionnettiste de la page précédente comme un pantin à son fil. C’est que je ne peux m’empêcher de penser alors au roman de Lucian Dan Teodorovici. Quelle merveille que son Histoire de Bruno Matei (cliquez ici pour voir le livre),ce héros lunaire, amnésique, qui promène son pantin tout au long du livre! C’est une des traductions qui m’a le plus marquée. Je pense souvent à mes traductions, à mes auteurs qui n’ont pas été assez médiatisés et dont les livres n’ont pas atteint la conscience du public. J’éprouve pour eux de la tendresse teintée de culpabilité. Et si je n’avais pas tout fait pour qu’ils grandissent au soleil de la notoriété?
A suivre, demain même heure
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