9 mars 2020
Et j’ouvre le texte intitulé Les Renards.
*
Il est 22h35, je n’ai pas fait plus de 2435 signes aujourd’hui. Ma vie de traductrice est la vie de tous les parents qui travaillent. J’ai passé presque deux semaines à me concentrer sur Parcoursup et sur la recherche d’une nouvelle résidence universitaire. Plus tout le reste. Et aujourd’hui, les plages de concentration ont été entrecoupées de mails et de coups de fil à passer.
Vers la fin des Ponts, je voulais noter quelque chose au sujet du « crayon-encre ». Je me suis souvenue que j’ai écrit à ce sujet dans un chapitre de mon journal de Solénoïde, Les énormes rouages du temps crissent sur ce grain de sable! publié en octobre 2019…, à retrouver ici ou en cliquant sur le titre de la note ci-dessus. J’aime retrouver dans l’œuvre de Mircea Cărtărescu, d’un livre à l’autre, des thèmes, des objets, des couleurs: je parcours son imaginaire, par les « chemins noirs » de sa carte mentale (tiens, je pense à Sylvain Tesson!) .
Première page des Renards, il est question d’une couleur et de bleus. Les bleus sont des coquards et ce qui est violet pourrait être bleu foncé… et au milieu de tout ça, j’ai un son « v » qui est bon pour se transformer en « part des anges »…
En roumain :
Trăiau odată, într‑un oraș îndepărtat, în care casele păreau vânătăi pe pielea palidă a cerului, doi frăţiori, Marcel și Isabel. Marcel avea opt ani și deja mergea la școală. Isabel era o fetiţă de trei ani. Trăiau într‑o casă cu ziduri vinete, ca toate celelalte (…)
L’histoire commence par « Il était une fois », je sens bien que l’auteur nous prend par la main pour le temps d’un conte violet. Quoique, chez Mircea Cărtărescu, comment discerner ce qui est de l’ordre du violet, c’est-à-dire fantastique, de ce qui est de l’ordre du réalisme?
Marcel et Isabel vivaient « dans une ville lointaine où les maisons faisaient comme des bleus sur le teint pâle du ciel ». Ils vivaient « dans une maison aux murs violets« .
L’auteur utilise deux mots roumains ayant la même racine: le pluriel du substantif vânătaie et juste après, vinete, le pluriel du neutre vânăt. J’aurais bien voulu avoir deux mots justes, en français, commençant par un « v »!
Il est évident que je ne pouvais pas m’amuser à écrire autre chose que ce qui est écrit. Il se trouve qu’en français une ecchymose est un « bleu », pas une tache « violette » comme en roumain, c’est comme ça.
En ce qui concerne le second mot, si j’avais traduit pour une revue de décoration, j’aurais pu écrire « une maison aux murs aubergine », car c’est à la mode d’écrire comme ça! Je n’ai pas assez de documentation sous la main pour comprendre pourquoi la langue roumaine a formé le nom de ses aubergines (o vânătă) sur le latin venetus qui signifie « bleu azuré »…
Est-ce à cause de la mauvaise réputation de la couleur violette? A cause de sa tardive identification dans le spectre des couleurs?
En tout cas, il ne me semble pas du tout anodin que cette nouvelle commence sous les augures de cette couleur ambivalente, entre force de l’esprit et force des esprits…
Cliquez, vous défendrez avec moi les librairies de quartier!