Abra et Cadabra aimaient la musique décadente

Les régimes communistes trouvaient tous les défauts à la musique rock : emblème culturel du monde capitaliste et décadent, musique de « parasites » et de « chevelus », occupation oisive et bourgeoise. Vous le savez déjà, notamment si vous avez regardé l’excellence émission d’Arte consacrée à Radio Free Europe. Vous avez encore une chance de suivre cet épisode des Mercredi de l’Histoire, rediffusé le 17 février prochain, à 10h30. link

 

Alors j’ai quelque chose de troublant et de beau pour vous. J’ai glané cela dans le quotidien roumain Jurnalul National : c’est une lettre écrite par deux jeunes filles à l’animateur, sur cette radio mythique, d’une émission musicale.

En remerciant Alex Revenco, qui a publié cette lettre dans Jurnalul National hier, je vous en traduit un grand passage :

« Cher Andrei, nous écoutons tes émissions depuis de nombreuses années et elles nous plaisent. Depuis tout ce temps nous t’avons envoyé de nombreuses cartes postales et lettres mais elles ne sont probablement pas arrivées. Nous te prions d’excuser ce peu de mots et les éventuelles fautes, mais c’est une occasion innattendue et inéspérée qui s’offre à nous. Une copine partie il y a deux ans en Allemagne est revenue en Roumanie pour quelques jours et elle est passée nous voir au lycée –on avait oublié de te dire que nous sommes élèves. »

Suit tout une liste de dédicaces pour des copains et copines de diverses villes du pays. Parmi tous ces noms, « Radu (prononcer Radou ) alias l’arbitre de l’élégance de Baile Felix ».
Et c’est signé : ABRA  et CADABRA.

 

Les choix musicaux des deux lycéennes ? Black, les Bee Gees, Abba, Scorpions, INXS, George Michael, mais aussi  les Beatles, avec trois classiques: « Mother (nature’s sun) », « Yesterday » et « Let it Be ».

Alors en effet, le courrier était censuré. Les lettres envoyées à Munich, où se trouvait le siège de Radio Free Europe disparaissaient à tout jamais dans des dossiers. La lettre qui leur permettra d’écouter la radio occidentale, même brouillée par la censure, voyagea dans la poche de leur copine, mais par précaution les deux jeunes filles choisirent un pseudo. Et ce pseudo est tiré d’une de leurs chansons préférées, un énorme tube du Steve Miller Band, ce groupe américain qu’on a tous écouté, en 1983 et longtemps après:  « Abracadabra ». 

 

A la fois proche et lointaine. Etrange et intime. Elle fait un drôle d’effet, cette lettre écrite avec des petits ronds sur les « i »…

Escapades dans la librairie virtuelle roumaine

J’ai envie de me faire plaisir, donc ce post est consacré à des liens vers des maisons d’éditions ayant pignon sur rue en Roumanie.
J’ai hésité, après l’enthousiasme initial (« mais c’est en roumain! Les gens vont rien comprendre! ») et finalement, je me dis la chose  les choses suivantes :

-on peut toujours admirer les couvertures des livres et se faire des réflexions, comme par exemple celles concernant les livres anglo-saxons « toujours plus colorés que les nôtres » (lu chez Géraldine… A moins que ce ne soit ailleurs…;))

-le roumain n’est pas difficile à déchiffrer quand il s’agit d’un catalogue…

-on peut s’amuser à comparer les couvertures des livres en roumain et en français (hi hi hi, je vous oriente parfois vers les pages des catalogues d’auteurs dont j’ai traduit un ou plusieurs livres…)

-on peut aussi découvrir le nombre d’auteurs français en traduction roumaine, signe évident de la francophilie des Roumains…


Bref, voici une occasion de promenade dans des librairies virtuelles, escapade, me suis-je dit, blogueusement  intéressante…

Alors :
Polirom : link
Humanitas : link
Re-Humanitas : link
Cartea Romaneasca : link

Et envoyez-moi des cartes postales de vos déambulations dans les rayons!

PS: Les deux  photos représentent de célèbres oeuvres de Brancusi: La Muse endormie et Le Baiser.

Petites histoires de correction de textes

Avez-vous déjà noté combien il est facétieux, ce logiciel word que nous utilisons presque tous?
Surtout quand il s’agit de lui confier la correction automatique de nos humaines erreurs de frappe.
Petit florilège conçu au fil de mon travail d’hier:
epsirt, écrivez-vous? Word veille et propose à votre clavier dyslexique epsilon et epsomite!
klezmer n’est pas un genre qu’il agrée… d’où soulignement en rouge et zou! Vous vous retrouvez avec klepper…
Word tente parfois de concurrencer le hasard sur le terrain de la poésie et l’étrange et prévertien paysange de votre inconscient peut devenir, selon lui, un pays ange.
Ce n’est pas mal, tout ça.
Mais vous arrive-t-il d’avaler vos mots? mants apparaît dans le texte. N’ayez crainte, toutes les voies sont possibles, amants, monts, maints ou mantes sont à votre portée. Il y a même de quoi en faire tout un poème, comme « maints amants des monts en mantes d’hiver » par exemple…

Les choix lexicaux s’ouvrant dans la petite fenêtre à droite de la flèche sont parfois bien terre à terre. Jugez en, mon merveilleux chemotaxis s’est trouvé hier à deux clics de chemisier, chemiserie, chemisette ou chemisières!
Le top, c’est cet acetylcoline amputée de son h qui a failli virer accentologie ou acceptilation. Ce dernier n’est même pas dans le Robert!  Je vous rassure, c’est un terme qui existe tout de même.
Le fin mot de cette chronique revient bien justement à mon saltu , cette inoffensive et joviale formule d’accueil qui, à en croire un correcteur totalement déjanté mais aussi fort prétentieux, devrait se transformer en saïte!!  Et là, ne soyez pas rassurés, il ne s’agit pas de la prononciation phonétique de l’anglais « site », mais de ce qui est relatif à la XXVIème dynastie égyptienne!
Allez en paix, bonnes gens, et prenez garde au correcteur fou!

3 février 1989 (bis)

Lancement à Bruxelles
d’Opération Villages Roumains – OVR

Parmi les images qui ont le plus sûrement marqué l’esprit des Occidentaux dans les dernières années du régime communiste roumain, se trouvent celles des destructions massives de monuments historiques. La « systématisation », selon le terme utilisé par le pouvoir d’alors a commencé vers 1984 dans le centre de Bucarest. Puis les autorités voulurent à tout force « faire le bonheur » de la population et construire jusque dans les plus petits villages des « centres agro industriel ». Les villages étaient rasés.
Au milieu de toute la misère multiforme engendrée par le système totalitaire dans un pays comme la Roumanie, cet aspect de la violence provoqua une onde de réactions internationales et -surtout, peut-être- toucha en plein coeur la population occidentale.

C’est ainsi que naquit à Bruxelles, ce 3 février 1989 « une opération destinée à faire parrainer par des communes du reste de l’Europe 8.000 villages roumains menacés de destruction » peut-on lire dans une dépêche AFP de l’époque. (Les racines du mouvement remontent à 1988, mais c’était sans doute, en ce début février, un lancement officiel.) 

  » Du point de vue humain comme du point de vue du patrimoine, les effets de ce plan sont un véritable séisme  »  disait encore Paul Hermant, membre de la  » Coordination village roumains  » en Belgique, dans le même document.

La suite de l’histoire, on la connaît : Opération Villages Roumains a non seulement été un succès dans le domaine de la mobilisation citoyenne et de l’aide directe aux populations mais a également contribué à renouer les liens historiques entre Roumains et Français. En 1989, la dépêche était, comme les initiateurs du projet, prudente, et signalait que « des initiatives équivalentes à celle annoncée en Belgique devraient prochainement voir le jour en France, en Italie, aux Pays-Bas, en RFA, et peut-être même dans des pays d’Europe de l’Est ».  Finalement, OVR devint ce qu’elle est aujourd’hui encore…

Aujourd’hui, le traumatisme des destructions est sublimé, entre autres, dans de belles pages de littérature. Si cela vous intéresse, je vous en donnerai ici un ou deux passages très beaux auxquels je pense tout de suite – parce que je les ai traduits en français.

Le site OVR est dans mes liens.