J’ai été dure à la détente, mais finalement, ça y est, la voici, la photo de la mémorable rencontre qui a eu lieu en marge du Salon du Livre! L’initiative appartient à Géraldine et nous nous sommes amusées à la jouer incognito, cette photo souvenir. Enfin, à moitié incognito. Nous avons donné à nos échanges sur la toile et de blog à blog un petit plus d’humanité. Mais après tout, quand on parle de livres, on est toujours très près du coeur, tout près de l’âme, n’est-ce pas les filles?
Des soleils différents
Des Soleils différents et de la métaphysique pas banale…
Le Salon du Livre de Paris est l’occasion d’une première, côté Roumanie : le CENNAC récemment créé – équivalent de notre Centre National du Livre- sera représenté au salon (Stand Y83 ).
Le CENNAC, par ce stand, « ouvre au public francophone une porte vers la diversité et la richesse de la littérature roumaine contemporaine ». Diverses rencontres avec des auteurs roumains (voir le programme plus bas) sont aussi l’occasion, pour l’homologue roumain de notre CNL, de promouvoir ses programmes d’aide à la traduction.
C’est un événement, car fonder de toutes pièces une institution aussi importante pour l’éconimie du livre était une nécessité et un défi: le voilà relevé.
Le stand CENNAC organise trois signatures d’ouvrages publiés avec le soutien de l’Institut Culturel Roumain :
-l’anthologie Des soleils différents (co-édition L’inventaire / Balkans Transit) présentée par la romancière Gabriela Adameșteanu, par Laurent Porée (l’âme du festival Insolite Roumanie 2008 en Normandie) et par les poétesses Rodica Drăghincescu et Linda Maria Baros
-le numéro spécial « Poètes roumains contemporains » de la revue Confluences poétiques
–Vienne le jour (Gallimard, 2009) de Gabriela Adameșteanu, roman dont parleront l’éditeur Jean Mattern, le critique littéraire Daniel Cristea-Enache et la traductrice Marily Le Nir.
Un autre livre (que je ne connais pas) et paru chez Vrin sera également présenté. Il s’agit de l’ouvrage d’un disciple de Heidegger, Alexandru Dragomir (1916-2002) : Banalités métaphysiques. Sa personnalité et ses écrits seront évoqués par le philosophe roumain Cătălin Partenie et la traductrice Michelle Dobré.
Enfin, il y a un album, publié chez Michalon (qui fait d’ordinaire de très jolies choses): Roumanie. Réminiscences (Michalon, 2008) de l’artiste photographe Liliana Nadiu.
Des articles de mon blog publiés à Bucarest!
Quand j’ai présenté La Vie quotidienne en Roumanie sous le communisme, je ne pensais pas retrouver un jour ce contenu de mon blog traduit en roumain et publié dans Jurnalul National, un des quotidiens les plus lus en Roumanie!
Lavinia Betea, une des collaboratrices de l’ouvrage La vie quotidienne… s’occupe dans ce journal de la « section histoire récente » et publie avec son équipe un supplément destiné à faire « revivre » l’année 1989 au travers de témoignage et de documents qui n’étaient pas accessibles, à l’époque. Le supplément porte le nom de l’officieux du parti communiste roumain, « Scînteia« .
Le contenu de mon blog lui plaît beaucoup et voilà comment je me retrouve dans « Scînteia »!
Un petit « truc » : vous brillerez en société, quand vous saurez que ce mot qui signifie « l’étincelle » se prononce en roumain… « squin’teilla ». Entrainez-vous!
Fin février 1989 : une modilisation médiatique grandissante
A la lecture des dépêches AFP et du Monde entre le 21 février et 28 février 1989, on constate que l’indignation grandit à l’égard du régime communiste de Ceausescu.
Le 21 février, un message d’Eugène Ionesco est lu à Bruxelles, devant la commission politique du Parlement européen par sa fille Marie-France. La séance est consacrée aux droits de l’homme en Roumanie. Le témoignage du grand écrivain français d’origine roumaine Eugène Ionesco est capital pour éveiller les consciences. Le Figaro publie le texte bouleversant et très dur d’Eugène Ionesco en Une, avec une photo. Vous pouvez lire le texte de Ionesco dans Le Monde en cliquant sur ce tire : « Non assistance à peuple en danger ».
Monica Lovinescu (Journal) nous apprend également que le fameux jour de cette audience à Bruxelles, préparée depuis de longues semaines par les opposants roumains, il se trouva même dans la salle un député britannique du Labour, dont il fallut contrer les arguments pro – Ceausescu….
Le 23 février, l’AFP signale que « La Suède, par la voix de son ministre des Affaires étrangères porte le cas de la Roumanie devant la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. » L’AFP cite le diplomate qui affirme » qu’en jetant un coup de projecteur sur les violations des droits de l’homme dans un pays, la Commission n’a pas, ou ne devrait pas avoir, pour but de condamner un gouvernement « . » L objectif n’est pas la confrontation mais la coopération « . Le ministre poursuit encore que le but est « d’aider les victimes de violations des droits de l homme. Si la pression internationale peut les aider, nous devrions exercer cette pression. »
Pendant ce temps, à Bucarest, et en pleine affaire des Versets sataniques de Salman Rushdie, « le président Khamenei effectue un séjour officiel de quatre jours en Roumanie » informe l’AFP. Bien entendu, le sujet n’est pas évoqué par les deux chefs d’Etat….
Le 28 février 1989, l’AFP annonce la « Création en France d’une Association pour l’adoption de villages roumains menacés de destruction » :
« Une association pour l’adoption de villages roumains menacés de destruction vient de se créer en France, à la suite du lancement en Belgique au début du mois d une opération de parrainage similaire destinée a se multiplier dans plusieurs pays d Europe, apprend-on mardi auprès des responsables de cette association.
Quelque 2.100 villages roumains doivent être ainsi proposés à l’adoption par des villages français, sur les 13.000 que compte la Roumanie et dont 7.000 environ sont menacés de destruction par le » plan de systématisation » du président Nicolae Ceausescu.
L’association Villages-Roumains-France, présidée par Mme Isabelle Vernat, membre de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), a été créée sous l’égide conjointe de Médecins du monde, de la LDH, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), la Fédération internationale des droits de l homme (FIDH), la Fondation France- Libertés (que préside Mme Danielle Mitterrand), la CIMADE, l’organisation Pax-Christi et le Comité national des Jeunes agriculteurs. »
Cette semaine, Opération Villages Roumains fête ses 20 ans, en ce moment même, à Bucarest.
Joyeux anniversaire à OVR et à tous ses membres en France, en Roumanie et en Belgique!!
Eugène Ionesco le 23 février 1989 : « Non assistance à peuple en danger »
Si vous êtes ici, c’est que vous venez de commencer l’article Fin Février 1989, une mobilisation médiatique grandissante. Voici l’article publié dans le Monde :
Jeudi 23 Février 1989
Roumanie : les droits de l’homme devant le Parlement européen
» Non-assistance à peuple en danger « ,
selon Eugène Ionesco
(21 FEVRIER 1989)
BRUXELLES
de notre envoyé spécial La commission politique du Parlement européen a organisé, mardi 21 février, à Bruxelles, une audition publique sur la situation des droits de l’homme en Roumanie. Pendant six heures, les députés – peu nombreux – et des représentants des organisations non gouvernementales ont écouté les interventions d’une dizaine d’experts et de réfugiés. Le tableau qui a été brossé des conditions d’existence actuelles des Roumains est sombre.
L’écrivain Eugène Ionesco, d’origine roumaine, devait ouvrir les débats mais, malade, c’est sa fille, Marie-France, qui a lu le discours qu’il avait préparé pour la conférence. Citant l’un de ses collègues de Bucarest, Ionesco constate que, » au moment où la construction de l’Europe devient une réalité, il est un pays qui se trouve à l’heure la plus malheureuse de son histoire, au seuil de sa disparition en tant que peuple, au seuil de sa sortie définitive de l’Europe (…). Sortir de l’Europe et sortir de l’Histoire, les deux vont de pair « . Ce pays, dit-il, est la Roumanie, avec les pénuries, les pommes de terre vendues à la pièce, les restrictions de chauffage, l’embrigadement de la jeunesse, la peur permanente d’une police politique omniprésente (Securitate), le programme de » modernisation » des villages qui entrainera la disparition de l’habitat rural traditionnel. » Comment ne pas réagir à ce génocide culturel dont nous sommes les témoins, écrit Eugène Ionesco, comment ne pas être solidaires de ces voix qui en Roumanie ont le courage de s’élever. Ne pas les entendre, ne pas les soutenir ferait de nous des coupables de non-assistance à peuple en danger. »
L’une de ces voix courageuses est celle de Doina Cornea, assignée à résidence à Cluj et dont le Parlement européen avait déjà pris la défense, dans une résolution, en décembre 1988. « Coupable » d’avoir lancé un appel au président Ceausescu en septembre dernier contre le programme de « systématisation » des campagnes, elle a été interrogée plusieurs fois par la Securitate. Selon sa fille, qui vit en France, elle est sans téléphone depuis quatre mois ; son mari, cardiaque, ne reçoit pas de soins ; son fils est « escorté » quotidiennement par la police sur le chemin du travail. Son appel a été signé par vingt-neuf Roumains. Tous ont été inquiétés.
Peu de dissidents sont en prison, car les formes de répression sont plus sophistiquées qu’ailleurs : exil intérieur, harcèlement, pressions sur les familles. Un jeune réfugié, Dan Alexe, passé à l’Ouest il y a six mois, raconte, par exemple, qu’après une descente de police à son domicile et la confiscation de livres « interdits » – des ouvrages de Boris Pasternak et de Charles Dickens, – il n’a plus reçu de carte d’alimentation et ne pouvait donc plus » légalement » se nourrir.
Ces maigres tickets représentaient pour un ouvrier de Brasov, deuxième ville du pays, pour les douze mois de 1987 : 10,5 kilos de sucre, 10 litres d’huile, 2,5 kilos de farine, 8,5 kilos de farine de mais, 8,5 kilos de viande (porc et poulet) douze oeufs et quelques hectogrammes de saucisson. Selon le docteur Ian Vianu, auteur d’études sur les abus psychiatriques en Roumanie, l’appauvrissement de la population se traduit par des épidémies, fort inhabituelles aujourd’hui en Europe, d’hépatite infectieuse et de rhumatisme. Il a longement évoqué la dégradation des soins hospitaliers. Les ambulances ne se déplacent plus aujourd’hui pour des malades âgés de soixante-dix ans et plus. Pour les hommes, l’espérance de vie moyenne serait actuellement de soixante-six ans.
» Police
gynécologique »
Autre sujet de discussion : la mortalité infantile qui, selon Marie-France Ionesco, serait de l’ordre de 80 pour 1 000 naissances – le taux le plus élevé d’Europe. La Roumanie compte aujourd’hui quelque 23 millions d’habitants. L’objectif du pouvoir est de porter la population à 30 millions d’habitants en l’an 2000, par une politique nataliste » active « . L’interruption de grossesse est interdite depuis 1966, de même que l’usage des contraceptifs. Les médecins qui pratiquent l’avortement encourent dix ans d’emprisonnement. » Toute femme en âge de concevoir doit avoir au moins cinq enfants, ont expliqué divers orateurs. C’est un devoir patriotique. Un certain pourcentage du salaire du couple est prélevé jusqu’à la naissance du cinquième enfant. Des examens gynécologiques sont effectués à intervalles rapprochés pour déceler les interruptions de grossesse. Ces médecins font partie de ce qu’on appelle en Roumanie la police gynécologique. »
L’avenir des minorités ethniques, hongroise, allemande et serbe, ainsi que le dossier de la systématisation (destruction de quelque 7 000 des 13 500 villages de Roumanie et relogement forcé des habitants dans 600 centres agro-industriels) ont été également évoqués. Bien que M. Ceausescu parle plus souvent depuis quelques mois dans ses discours de » plan de modernisation « , l’objectif n’a pas changé, selon le Dr Mark Almond, historien au collège de Woolfson à Oxford. » Il s’agit, dit-il, de regrouper les paysans dans des blocs anonymes et uniformisés, de leur ôter toute vie privée et de les rendre ainsi plus dépendants de l’Etat. »
Les participants ont constaté qu’il était de plus en plus difficile d’obtenir des informations – et de les vérifier – sur ce pays » en voie d’albanisation » qui ferme ses frontières et piétine les conventions internationales sur les droits de l’homme. Les journalistes occidentaux y sont indésirables. » Que peut-on faire pour aider la Roumanie ? « , ont demandé plusieurs députés européens au cours de cette audition qui s’est terminée sur un ton pessimiste. Boycotter les produits roumains ? Ce geste ne serait que symbolique. Ou » adopter » un village roumain menacé, comme a décidé de le faire un comité de communes belges, exemple suivi maintenant par une association française (1).
DEBOVE ALAIN
(1) Opération villages roumains : 67, av. de la République, 75011 Paris.
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