Les poètes disent la vérité

Ion Pop, Magda Cârneci, Simona Popescu et Ion Mureşan autour de Jacques Darras à la Maison de la poésie à Paris

Cinq poètes samedi soir, sur la scène de l’amphithéâtre de la Maison de la Poésie. Quatre poètes roumains autour du poète français Jacques Darras, pour une des rencontres dédiées à l’Europe. J’étais dans la salle (où se trouvaient aussi les poètes Dinu Flamând et Sebastian Reichman), et j’ai pris en notes, pour vous, les meilleurs moments de la soirée.

Les présentations et les questions générales étant faites, Jacques Darras s’émerveille du nombre de poètes dont s’honore encore la littérature roumaine contemporaine. Il parle de « générations spontanées », chacun y va de son hochement de tête, oui oui des poètes comme s’il en pleuvait et « le Roumain est né poète ». Là, Simona Popescu, que  l’on sait peu encline au lyrisme et au larmoiement jette son pavé dans la mare : « La poésie est morte ». Ion Mureşan la contre immédiatement. Sa théorie : « La société est comme un organisme humain, quand il y a infection, il y a sécrétion d’anticorps. La société malade sécrète des poètes. La société roumaine n’étant pas encore saine, elle sécrète encore de nombreux poètes ».
Jacques Darras penche, perplexe, les deux hémisphères de sa chevelure impeccablement blanche vers Ion Mureşan: « Un pays sans poète serait exempt de maladies??? Un pays sans poètes est mort!  Il est guéri, certes, mais drôlement guéri! »
Magda Cârneci pense, elle, que les poètes « sont les cellules sociales et sensibles de la société: ils sont des cellules rares, utiles et très spéciales qu’elle sécrète pour son avenir ».
Ion Pop file la métaphore pour évoquer le désamour du monde éditorial pour la poésie: « Encore faut-il qu’il y ait des microscopes pour dépister ces cellules… Comme partout ailleurs les tirages baissent énormément… mais nous avons en Roumanie encore le temps de faire quelque chose. »

La discussion, passionnante, sans le moindre temps mort, contient aussi une excursion dans l’histoire littéraire roumaine et notamment celle du XXème siècle avec ses Roumains avant-gardistes dont tant de poètes et d’artistes européens sont aujourd’hui le fruit.
Jacques Darras mentionne d’ailleurs à juste titre « nous venons de vous entendre citer 10, 15, 20 grands noms de symbolistes et de post-symbolistes, mais pourquoi n’avons-nous pas d’histoire littéraire roumaine en français?? »

Un dialogue nourri autour de l’expression de l’absurde, des considérations très sensibles au sujet du tournant historique de 1989… La soirée défile grand train et il ne s’agit pas d’oublier les lectures. Simona Popescu la bucarestoise (ci-contre en 2005) et Ion Mureşan (ci-dessus, l’autre soir) le « clujéen » (les habitants de Cluj ont-ils un nom en français???) sont assez rarement à Paris. Et Ion Pop, ce poète et critique de grande classe qui a publié récemment un essai chez Maurice Nadeau n’est pas si souvent présent ici. Quant à Magda Cârneci, elle  assume brillamment la direction de l’Institut culturel roumain de Paris et ce n’est pas si souvent qu’on l’entend lire ses textes…

Magda Cârneci lit trois poèmes d’un cycle « politique » et elle justifie son choix : « pour que l’on se souvienne ». Les travaux d’Aphrodite, Place Matache Song et Au milieu de la ville.

Ion Pop lit La colère des pierres et Brancusi a décidé.

Simona Popescu lit Song à trente-sept ans, un extrait de Doina et Sanguineti.

Quant à Ion Mureşan, il nous offre le spectacle de son poème Le verre.

Chacun lit en roumain et Jacques Darras fait une lecture – très bonne, très juste, quel plaisir!!- des traductions françaises.

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