Prix Jean Monnet des Jeunes Européens

Cognac, la part des anges

Erlend Loe, lauréat du Prix Jean Monnet des Jeunes Européens, signe Muleum.

A un saut de TGV de Montparnasse – Angoulême. A trois pas d’Angoulême – les Littératures européennes en grand rendez-vous annuel à Cognac… Tout ce que j’aime – quand que je ne suis pas penchée sur une traduction. J’ai laissé derrière moi un manuscrit inédit de Cioran – presque fini. Mais j’ai emporté le vertigineux Orbitor de Mircea Cartarescu, ce troisième tome de la trilogie composant un roman-monde. Quelques unes de ses pages vont se dédoubler, ici, aussi – dans le calme de la chambre d’hôtel et entre deux rencontres avec des lecteurs… de Dan Lungu.

C’est pour lui que je suis à Cognac. Je suis une vieille coco! fait partie de la sélection du Prix Jean Monnet des Jeunes Européens, en ouverture du festival qui dure quatre jours… et les traducteurs sont conviés aux côtés des auteurs. Également sélectionnés et présents : l’Islandaise Eva Minervudottir pour son recueil de nouvelles Pendant qu’il te regarde, tu es la Vierge Marie accompagnée de sa traductrice  Catherine Eyjolfsson et le Norvégien Erlend Loe pour son roman Muleum traduit par Jean-Baptiste Coursaud.

 

Nous rentrons juste de l’auditorium de la Salamandre (l’emblême de François 1er est omniprésent dans la ville) et même si Dan Lungu n’est pas le lauréat de cette édition, nous nous sentons tout légers, tout portés par ce que nous ont transmis ces lycéens du jury et leurs professeurs: la prose légère comme l’air de la fine Eva, les tribulations aéroportuaires de Julie, l’héroïne norvégienne d’Erlend Loe et l’humour de l’Emilia de Dan les ont également conquis.

Un drôle de grand écart, tout de même, ces lectures des confins de l’Europe! Et pourtant, ce sont 260 lycéens de 8 établissements de la région qui ont les ont lus, qui ont argumenté en faveur de l’un ou de l’autre, débattu lors de réunions d’étape pour arriver finalement à un vote et à l’attribution de leur prix. A cette fin, cent exemplaires de chaque roman ont été achetés par les organisateurs et distribués aux élèves. Bel effort.

Comme de juste, voir les écrivains en chair et en os, c’est le summum. Quand on est lycéen, qu’on a passé le premier trimestre à lire en classe, pouvoir demander « en direct live » « mais où trouvez-vous vos idées? », c’est épatant; les interroger sur l’étrange choix d’une héroïne quand on est un homme (hein, pourquoi?) et même se montrer interloqué par un roman « écrit dans le désordre », c’est pas beau, ça? Et puis, on peut les retenir en aparté, les écrivains, à la fin de la rencontre, voler un moment d’intimité lors de la dédicace pour souffler en deux mots l’admiration qu’on n’ose pas revendiquer devant les copains…

 

Le prix Jean Monnet des Jeunes Européens va à Erlend Loe et à son roman Muleum. Il faut le lire, ne serait-ce que pour fondre de tendresse et de mélancolie, à la toute fin du roman, quand on apprend pourquoi l’héroïne elle-même a choisi ce titre étrange. Et plonger dans l’ouvrage sur papier rose -aisément identifiable, comme tous les livres de l’éditeur Gaïa- permettra de comprendre les mots du traducteur Jean-Louis Coursaud répondant, tout à l’heure, sur scène, devant les lycéens, à une question sur la difficulté de son travail de traduction de ce livre : « ne pas se laisser atteindre par la désespérance du personnage. Ne pas se la prendre en pleine face ».

 

Le titre de ce billet, d’où je le tiens, vous dites-vous. Pour tout Cognaçais qui se respecte, c’est d’un banal!

La « part des anges » est ce volume éthéré qui flotte dans les rues d’ici et se perd à jamais.

J’en ai humé une petite partie. Et j’aime à penser qu’un peu de cet esprit volatile transporte l’intérêt des lecteurs vers nos confins littéraires si exotiques.

 

 

 

Ci-contre, Dan Lungu signe Je suis une vieille coco!

 

Entretien express avec le traducteur du Médicis étranger

Satisfaite de se voir entourée de ses auteurs, amies éditrices, libraires préférés et collaborateurs, heureuse de voir un livre traduit d’une langue qui lui tient à coeur recevoir un des grands prix littéraires de la rentrée, le Médicis étranger, Jacqueline Chambon rayonnait, hier soir, lors de la réception qu’elle donnait au Lutetia. Il y avait du monde, et parmi les éditrices Joëlle Losfeld, Liana Levi… J’ai vu aussi Nancy Huston. Et puis j’ai rencontré des traducteurs d’allemand, un sympathique traducteur de littérature libanaise dont le coeur bat pour… Ghérasim Luca et les génies roumains de l’Avant Garde. Du coup, jolie petite conversation qui nous a menés de Tzara aux Lettristes et au célèbre Ben en passant par Brauner… Et puis, soleil, tout d’un coup: apparition de la toujours pétillante Martine Grelle, à la veille de recevoir ses écrivains du monde entier pour une nouvelle édition des Belles Etrangères.   link.

Un Garçon parfait (Ein perfekter Kellner) du Bâlois Alain Claude Sulzer a été traduit par Johannes Honigmann… et j’en ai profité pour parler un peu avec lui, au milieu des convives, au son des bouchons de champagne et dans le rouge éclatant des tentures du salon Pompéïen. L’ambiance Art Déco du Lutetia allait d’ailleurs parfaitement bien avec celle du roman dont l’action se passe en grande partie dans les années 30:
« Pas de grandes difficultés dans la traduction de ce livre » explique Johannes Honigmann. Pas même quelques aspects régionaux, étant donné que l’auteur est de Suisse allémanique? « Non, Alain Claude Sulzer emploie une langue allemande très pure. Il a le désir de retrouver, même dans ses livres qui se passent aujourd’hui, un style classique, épuré. C’est les années 30″.
Traduire signifie aussi lire autour du livre à traduire. Pas d’exception pour Johannes Honigmann qui a  été voir du côté d’Orwell :  « J’ai juste relu le livre où Orwell décrit son expérience dans un grand hôtel parisien… Il y faisait la plonge.  Cela m’a aidé pour tous ces termes très précis comme chef de rang, maître d’hôtel etc. qu’on ne connaît pas forcément quand on n’est pas du métier et qu’on ne fréquente pas les grands hôtels. »
S’il s’agit du livre auquel je pense, Vache enragée, eh bien il y a une préface Panaït Istrati, autre habitué des petits boulots et des épinards sans beurre dedans.
L’histoire de cette découverte? (rappelons qu’il s’agit de la première traduction française d’un livre d’Alain Claude Sulzer):  « C’est une co-découverte. Jacqueline Chambon connaissait le livre. Je voulais traduire quelque chose pour elle. Il n’a pas été nécessaire de faire preuve de beaucoup de force de conviction pour la convaincre. »
Joie de Jacqueline Chambon, satisfaction du traducteur : « C’est forcément un peu la traduction qui est récompensée. J’en retire une fierté, mais pas un orgueil ».
Ce jeune traducteur de langue maternelle allemande s’apprête à partir vivre à Berlin « où la vie est moins chère ». On l’a donc rencontré juste à temps: merci, membres du jury du Médicis!
Et nous? Eh bien, nous allons vite lire ce roman.

Une rencontre avec l’auteur de La symphonie du loup

Il se passe des choses! Et c’est ce qui motive mon retour en force dans le monde des blogueurs… Ces quelques mots juste pour souhaiter la bienvenue à tous ceux qui me font l’amitié de passer par ici, qu’ils soient réorientés depuis mon ancien blog ou bien nouveaux amis.

Ce qui se passe? Marius Daniel Popescu (et vous savez tout le bien que j’en pense si vous allez voir ici leblogdelaurehinckel.hautetfort la note du 24 avril 2008) passe par Paris mercredi 5 novembre!

C’est l’occasion de le voir : à l’Institut culturel roumain, 1 rue de l’Exposition, dans le 7ème arrondissement, à 20h30. Il sera présenté par Michel Crépu, le rédacteur en chef de La Revue des deux mondes.

Juste avant, à 18h00, il sera à la bibliothèque du Trocadéro pour une séance de signature de son merveilleux roman La Symphonie du loup.

Je dois dire que cela me fait un très grand plaisir, moi qui l’ai présenté avec chaleur aux bibliothécaires réunis à Verson en mars pour découvrir la littérature roumaine francophone. La Symphonie du loup venait de sortir et n’avait pas encore reçu le prix suisse Robert Walser… J’avais fait lire un bel extrait, celui sur les sacs en plastique (les lecteurs de Marius Daniel Popescu me comprendront) et cela avait été un beau succès.

Et très récemment, en octobre, j’ai eu la merveilleuse surprise d’être appelée par les membres de l’Association des Amis des Bilbiothèques de Chartres qui avaient décidé de s’offrir une tranche de littérature roumaine : outre une présentation de Je suis une vieille coco! de Dan Lungu (l’enthousiasme dont la lecture de ses livres s’accompagne toujours était au rendez-vous), outre La Femme comme champ de bataille de l’ami Visniec qui a fait l’objet d’une lecture sensible et profonde, j’ai assisté à une sacrée présentation de La Symphonie du loup!

Que de plaisirs! Que de coups de coeur partagés!

L’histoire du communisme racontée aux malades mentaux

Nous en avons parlé -avec passion- lors du dernier Café Bouquins en date, au mois de septembre. Nous avons même lu à deux un passage fameux de L’Histoire des ours pandas racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort : il y avait de l’animation ce samedi-là au premier étage du Parisien!

Quelques jours plus tard -surprise!-  sa pièce La Femme comme champ de bataille a fait l’objet d’une présentation pleine de sensibilité lors d’une séance de l’Association des Amis des Bibliothèques de Chartres.

Dans les deux occasions, la question a été la même : mais quand et où peut-on voir les pièces de Matei Visniec jouées sur scène?
Eh bien c’est le moment! Il faut aller à Clamart, au théâtre Jean Arp, à partir du mercredi 12 novembre.
Il s’agit de la création de la pièce L’Histoire du communisme racontée aux malades mentaux.
Toutes les informations pratiques (horaire, prix des places : entre 10 et 21 euros) se trouvent sur la page internet accessible en suivant ce lien : http://www.theatrearp.com

La pièce est excellente. J’ai terriblement envie de la voir. Ce serait un coup à inventer le co-voiturage culturel sur Chartres, pour une séance en matinée à Clamart!