Titre ingénieux, sous la plume de Sylvain Tesson aujourd’hui dans Le Point, pour évoquer le roman de Savatie Bastovoi!
Traduire à Venise
L’Institut culturel roumain a concocté des ateliers de traduction pour les despérados qui, comme moi, ont choisi de traduire dans leur langue des oeuvres littéraires roumaines. C’est encore tellement confidentiel! On forme presque une société secrète…
Nous réunir à Venise est une sublime idée.
Voici le communiqué annonçant ces Ateliers à Venise.
LITERODROMUL BABEL
Ateliers de traduction par et pour les traducteurs de littérature roumaine
Venise
Entre le 4 et le 11 juillet 2010, le Centre National du Livre de l’Institut Culturel Roumain (ICR) et l’Institut roumain de la culture et des humanités de Venise organisent une manifestation baptisée le LITERODROMUL BABEL.
Cette semaine d’ateliers réunira des traducteurs de littérature roumaine provenant de plusieurs espaces linguistiques : Bulgarie, France, Allemagne, Israël, Italie, Pays Bas, Pologne et Hongrie.
L’objectif principal de ce projet est de développer le réseau des traducteurs de littérature roumaine et de créer des synergies pour propulser cette littérature sur le circuit international des lettres.
Les participants sont ou ont été des bénéficiaires des programmes de bourse pour les traducteurs – professionnels et en formation – mis en place par l’Institut Culturel roumain de Bucarest. Ils auront l’occasion de se rencontrer et de mettre en commun leurs expériences personnelles de traducteur aux prises avec les stratégies de traduction et de promotion de la littérature roumaine hors de ses frontières.
Les traducteurs invités à Venise sont : Laure Hinckel (France), Gerhardt Csejka (Allemagne), Jan Willem Bos (Pays Bas), Joanna Kornas-Warwas (Pologne), Any Shilon (Israel), Lora Nenkovska (Bulgarie), Jan Cornelius (Allemagne), Mihaly Lakatos (Hongrie), ainsi que les jeunes traducteur italiens Roberto Merlo, Anita Natascia Bernacchia, Danilo De Salazar, Giovanni Magliocco, Ileana Maria Pop, Maria Luisa Lombardo, Aronne Mapelli, Serafina Pastore, Mauro Barindi.
Les ateliers de traduction seront honorés de la présence de Simona Popescu et de Dan Lungu, deux des écrivains roumains les plus importants et également les plus traduits. Ils exprimeront leur point de vue d’auteur roumain concernant la traduction de leurs textes. Les traducteurs présents identifieront des problèmes de traductibilité à l’occasion de séances de travail sur les textes des deux auteurs et proposeront des solutions pour les dépasser.
Les participants aborderont en séance des thèmes comme le problème de la langue familière ou populaire, la réception des traductions, les problèmes de traduction que posent l’humour et la situation comique en littérature, le problème de la confession religieuse du traducteur, les différences culturelles dans la traduction, la traduction des obscénités.
Les sessions de travail se dérouleront dans la salle de conférence „Marian Papahagi” de l’Institut roumain de la culture et des humanités de Venise et seront encadrées par Dana Bleoca, directrice adjointe du Centre National du Livre de Bucarest, par l’écrivain et traducteur Florin Bican et par Monica Joiţa, directrice de l’ICR de Venise.
Caragiale, Les Craïdons
Cette échoppe est doublement intéressante. Il y a d’abord la plaque: « Dans cette maison le poète Mihai Eminescu a oeuvré en tant que rédacteur en chef du journal Timpul en 1880-1881 ». Mihai Eminescu est LE grand poète romantique roumain.
Et puis l’enseigne: « Craii de Curtea Veche »… Elle m’a intriguée. Elle arbore le titre d’un livre immensément célèbre de la littérature roumaine. Mateiu Caragiale raconte les aventures de trois compères dans un style aux sonorités si envoûtantes qu’on en mémorise avec facilité des passages entiers.
J’ai traduit quelques extraits de ce roman dans une anthologie de textes publiée ce printemps par l’Institut culturel Roumain à l’occasion du Salon du Livre de Paris.
Je vous en propose un passage :
« Elle vivait encore, mais dans l’oubliance, la célèbre Sultana Negoianu ; comme incarnation seconde, fruit d’un sortilège, elle avait été contrainte à se survivre, la fière amazone qui en peu d’années était parvenue, et ce n’était alors pas chose aisée, à scandaliser, par sa luxure, les principautés encore désunies. Je connaissais son passé, l’énigme du troublant sourire de son portrait m’avait donné envie de l’étudier –ce tumultueux passé qui avait ployé de honte le nom de la grande lignée dont elle demeurait l’unique et dernière descendante – et je l’avais étudié comme si j’avais su qu’un jour viendrait pour moi l’occasion de l’écrire. Elle avait été élevée à Genève et à Paris d’où elle était rentrée au pays à l’âge de seize ans avec des modes et des manières qui avaient étonné et suscité le murmure. Sa dot imposante avait convaincu le grand Gouverneur Barbu Arnoteanu de fermer les yeux et de lui demander sa main. Ce fut une union courte et agitée ; encore allaitant le garçon qui deviendrait le Maiorica que l’on connaît, elle avait fui avec un rien du tout en Moldavie où, comme à Bucarest, le tout Iasi l’avait admirée, ondoyant, infatigable dans les bals ou passant, fière, au galop de son cheval, suivie d’une nuée d’adorateurs. Pour persuader le mari abandonné de consentir à faire séparation, elle lui avait offert deux domaines et s’était ensuite mariée avec l’ancien grand-chancelier Iordake Canta, prince russe et candidat malheureux au trône de Moldavie ; union encore moins destinée à perdurer : la vie avec un époux avare et jaloux dans la sauvage solitude du relais de Pandina, perdu dans les forêts profondes des berges du Prut, ne pouvait rien avoir d’enchanteur aux yeux de la folâtre Sultana qui, aussitôt relevée d’avoir mis au monde une fillette, Pulcheria, était partie, en cachette et sans pensée de retour, à Bucarest. Au prix de deux autres domaines elle s’était trouvée derechef la bride sur le col ; elle n’avait plus l’intention de se le laisser brider. Et elle avait vécu. Tout aussi généreuse de son corps que de ses biens, comme en proie à la furie dévorante d’une rage, elle se l’était laissé saccager, impériale et toujours et encore insatiable, elle l’avait souillé jusques avec des mâtins. Je m’en tiens à noter le rapport entre ce vice et la folie, du reste loin d’être moment isolé, qui n’avait pas tardé à fuser. Un matin de l’automne 1857, elle avait été trouvée errante, cheveux défaits et dévêtue à Herastrau sur les rives du lac. Ah ! oui, j’étais bien obligé de le reconnaître : en me disant que si je voulais un vrai sujet de roman il me faudrait aller auprès des vrais Arnoteanu, Pirgu ne m’avait pas trompé. »
Le titre français de ce roman exceptionnel? Dans ma version inédite, « Les Craïdons ».
Rendez-vous ici dans un prochain billet pour vous donner une explication sur ce choix.
Traduction à l’Esperluette – Cartarescu et Strindberg
Une tonitruante rencontre aura lieu mercredi soir à 19 heures à l’Esperluette, la jolie librairie du centre de Chartres!
Deux écrivains, deux Europe, deux époques, deux traductrices portant leurs textes : c’est à cette rencontre que nous convie Olivier L’Hostis le libraire. (cliquez sur le lien pour entendre un entretien video sur le site de l’Echo Républicain -c’est très intéressant car on voit un vrai libraire à l’oeuvre).
Voici l’invitation envoyée aux lecteurs par ses soins :
« L’Esperluette vous invite à une rencontre découverte, en compagnie de Elena Balzamo et de Laure Hinckel, des littératures méconnues des pays de l’est de l’Europe et de Scandinavie.
Traductrices, elles évoqueront également leur métier, et le rôle qu’elles ont dans la diffusion de textes de ces pays. Très au-delà de la simple traduction (si tant est que ce soit simple), elles écrivent, lisent, découvrent et défendent des auteurs auprès d’éditeurs français. Et auprès de vous, afin que vous ayez le plaisir de lire des auteurs de grande littérature pas toujours très médiatisée, classique et contemporaine.
Elles vous donneront d’autres envies de lire mercredi 3 février, à 19h à la librairie. »
La rencontre permettra de connaître mieux deux ouvrages parus très récemment:
Le premier tome de la monumentale correspondance de Strindberg – voir sur le site des éditions Zulma la présentation du personnage et de l’oeuvre. Ce travail a été fait par Elena Balzamo, traductrice chartraine d’adoption – je crois qu’elle nous dira mercredi soir qu’elle y a passé plusieurs années et que son travail de recherche sur la correspondance est inédit dans le propre pays du dramaturge, romancier et nouvelliste suédois. C’est dire l’importance de son travail.
Le roman de Mircea Cartarescu, L’Aile tatouée, aux éditions Denoël. Vous savez, vous qui lisez ce blog régulièrement, que cette écriture aux riches reflets m’a portée pendant plus d’une année.
Voici un extrait de la critique parue dans Les Inrockuptibles (n°726) : « Taillé dans le même marbre que les récits de Joyce et Pynchon, L’Aile tatouée a cet éclat des romans à facettes. D’où l’étrange et grisante sensation pour le lecteur de voguer d’une perception à l’autre, dans la multitude des champs visuels que déploie le roman. »
Et le début de l’article de Bernard Fauconnier dans Le Magazine littéraire : « L’ Aile tatouée clôt la trilogie d’Orbitór, commencée par Mircea Cartarescu il y a quinze ans avec L’Aile gauche. Ce troisième volume, éblouissant, hisse l’auteur roumain au zénith de la littérature européenne. Le corps d’un papillon est un univers à lui seul, comme ce roman initiatique, symbolique, réaliste, spéculaire, philosophique, poétique, et bien d’autres choses encore, écrit, et magnifiquement traduit, dans une prose savante, populaire, lyrique, comique, triviale – mélange de styles, de tons, de niveaux de langue qui réserve de longs moments de délectation. »
A mercredi!
Bibliomane, bibliotaphe, bibliognoste : lequel êtes-vous?
Partie sur les traces, hier, de Till Eulenspiegel , autrement dit Til l’Espiègle, je suis tombée sur une édition belge de 1835 dont l’avant -propos, signé par un bibliophile passionné, contient quelques définitions de mots suffisamment rares pour que j’aie envie de les partager ici.
Cette édition n’est, pourtant, pas du tout la meilleure pour savourer les facéties du personnage.
Il faut lui préférer celle de Pierre Jannet, « première traduction complète faite sur l’original allemand de 1519 », car elle est bien plus complète et surtout, bien meilleure.
Pour l’instant, ce que je livre à votre sagacité, vous mes lecteurs qui êtes, je le sais, amoureux des livres, ce sont ces quelques lignes :
« On moque le bibliophile et ses soi-disants confrères, le bibliomane, le bibliotaphe et le bibliognoste. Le premier est évidemment plus éclairé et plus utile à la littérature, parce que, ne s’attachant qu’aux bons ouvrages, il rend nécessairement les auteurs plus circonspects, plus difficiles et plus soigneux dans leurs productions.
La bibliomanie est la fureur de posséder des livres, non pas tant pour s’instruire que pour les avoir et pour en repaître sa vue.
Le bibliotaphe, mot tiré du grec, comme le précédent, signifie enterreur de livres. Le terme s’applique à ceux qui n’achètent des livres que pour les enfouir et empêcher les autres d’en profiter. Ils sont aux livres ce que les avares sont à l’argent.
Alors, vous êtes quoi?