Il est des livres qui vous font des cadeaux: celui de vous transporter dans les régions à moitié oubliées de votre enfance ou de votre adolescence.
J’ai eu la chance de tomber sur un de ces livres récemment.
Dès les premières pages, cet ouvrage m’a soufflé au visage toute une mélodie de vents et de parfums. Il est très difficile de donner à ressentir par les mots un paysage ultra connu, aux descriptions galvaudant son mystère. C’est le cas de la Camargue et de la Crau avec les Alpilles pour horizon. On croit tellement bien les connaître. Il faut une belle plume pour en extraire de nouvelles impressions.
Ces lieux ne sont jamais cités dans Le pays des hivers rouges. Ce sont ceux que j’ai « reconnus ». L’auteur de cette nouvelle -presque un court roman – choisi l’indéfini, il écrit « le fleuve », « l’étang », « la porte de l’Est ». Le personnage principal est tardivement prénommé. Il est « le garçon » dans toute une première partie qui raconte son retour, après une longue absence, vers ces terres plates, venteuses et regorgeant d’eau. Le fil narratif est ténu, le « garçon » croise quelques personnages bien en chair et en os et même une certaine Sara, qui, elle, nous laisse dans l’imprécision de sa nature.
Il est donc des livres qui, en plus de vous faire des cadeaux (j’ai plongé dans cette lecture le temps d’une apnée étoilée), vous offrent des rencontres. La Sara de Thomas Boespflug vit dans un de mes paysages intérieurs les plus chers et rencontre par le biais des lectures croisées la Sara du livre de Stefan Agopian, une de mes traductions les plus chères également. Simple coïncidence de nom? Toutes deux sont devineresses. Les deux auteurs sont des passionnés d’histoire, mais c’est tout ce qui les rapproche. Thomas Boespflug est un tout jeune romancier, Stefan Agopian un écrivain culte en son pays.
Le pays des hivers rouges sort des célèbres presses Lacour, de Nîmes. Allez-y voir. Et suivez cette écriture, car cet écrivain est au début d’un beau chemin.
Allons, un court extrait pour finir :
« Il sortit par la porte de l’Est, celle qui lui avait annoncé la fin du chemin. Elle donnait sur l’étang. Quand on l’ouvrait, on était comme aspiré par cette étendue d’eau qui semblait porter le monde alentour. Cette eau-là était différente, elle venait bien de la même source, du même fleuve, mais elle n’était pas pareille; c’était l’étang. C’était toute cette terre sur laquelle se trouvait la maison, elle murmurait un chant différent, elle avait son chant propre, émettant d’autres notes que celles insufflées ordinairement pas le vent et par l’eau de ce pays. L’eau qui alimentait l’étang serpentait le long de la route, dormante et boueuse. elle s’infiltrait ensuite dans des canaux plus réduits qui couraient le long du chemin, de petits canaux sombres et encombrés. »