Clown ailé par Stefan Caltia

Ce blog a besoin de couleur!  Je nage dans le noir et blanc, au propre comme au figuré : le contraste des lettres sur la page et sur l’écran, le binôme français – roumain… bref, je traduis à tour de bras.

Alors ces quelques images que je vous offre sur plusieurs jours me donneront l’impression d’ouvrir la fenêtre.

Aujourd’hui, la première est une huile de Stefan Caltia. Cette toile a fait partie de la grande vente aux enchères qui s’est tenue le 29 mars 2009 à l’Hôtel Drouot. C’était l’occasion de voir les oeuvres de plus de cent artistes roumains contemporains.

Le catalogue « Bucarest à Paris – Panorama de l’art roumain » permet de poursuivre le voyage – et pour moi d’évoquer ici des artistes que j’aimais et connaissais déjà  ou bien que j’ai découverts à cette occasion.

Stefan Caltia est né en 1942. Il enseigne à l’Université Nationale des Arts de Bucarest. Il est un artiste dont les thèmes et la palette sont depuis longtemps très reconnaissables et.. ultra reconnus par les amateurs et les acheteurs d’art contemporain dans le monde entier.

J’aime beaucoup. Je m’envole avec ses personnages.

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Mais avant cela, je vous offre aussi ce portrait de l’artiste Stefan Caltia, en remerciant au passage Ioan T. Morar (qui est écrivain et un des piliers du journal satirique roumain Catavencu) pour cette photo que j’ai trouvée sur son blog et que je lui emprunte!

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Prochaine étape picturale : Sorin Ilfoveanu.

Traduction à l’Esperluette – Cartarescu et Strindberg

Une tonitruante rencontre aura lieu mercredi soir à 19 heures à l’Esperluette, la jolie librairie du centre de Chartres!esperluette.JPG

 

Deux écrivains, deux Europe, deux époques, deux traductrices portant leurs textes : c’est à cette rencontre que nous convie Olivier L’Hostis le libraire. (cliquez sur le lien pour entendre un entretien video sur le site de l’Echo Républicain -c’est très intéressant car on voit un vrai libraire à l’oeuvre).

Voici l’invitation envoyée aux lecteurs par ses soins :

« L’Esperluette vous invite à une rencontre découverte, en compagnie de Elena Balzamo et de Laure Hinckel, des littératures méconnues des pays de l’est de l’Europe et de Scandinavie.

Traductrices, elles évoqueront également leur métier, et le rôle qu’elles ont dans la diffusion de textes de ces pays. Très au-delà de la simple traduction (si tant est que ce soit simple), elles écrivent, lisent, découvrent et défendent des auteurs auprès d’éditeurs français. Et auprès de vous, afin que vous ayez le plaisir de lire des auteurs de grande littérature pas toujours très médiatisée, classique et contemporaine.

Elles vous donneront d’autres envies de lire mercredi 3 février, à 19h à la librairie. »

 

La rencontre permettra de connaître mieux deux ouvrages parus très récemment:

 

Le premier tome de la monumentale correspondance de Strindberg – voir sur le site des éditions Zulma la présentation du personnage et de l’oeuvre. Ce travail a été fait par Elena Balzamo, traductrice chartraine d’adoption – je crois qu’elle nous dira mercredi soir qu’elle y a passé plusieurs années et que son travail de recherche sur la correspondance est inédit dans le propre pays du dramaturge, romancier et nouvelliste suédois. C’est dire l’importance de son travail.

 

Le roman de Mircea Cartarescu, L’Aile tatouée, aux éditions Denoël. Vous savez, vous qui lisez ce blog régulièrement, que cette écriture aux riches reflets m’a portée pendant plus d’une année.

Voici un extrait de la critique parue dans Les Inrockuptibles (n°726) : « Taillé dans le même marbre que les récits de Joyce et Pynchon, L’Aile tatouée a cet éclat des romans à facettes. D’où l’étrange et grisante sensation pour le lecteur de voguer d’une perception à l’autre, dans la multitude des champs visuels que déploie le roman. »

Et  le début de l’article de Bernard Fauconnier dans Le Magazine littéraire : « L’ Aile tatouée clôt la trilogie d’Orbitór, commencée par Mircea Cartarescu il y a quinze ans avec L’Aile gauche. Ce troisième volume, éblouissant, hisse l’auteur roumain au zénith de la littérature européenne. Le corps d’un papillon est un univers à lui seul, comme ce roman initiatique, symbolique, réaliste, spéculaire, philosophique, poétique, et bien d’autres choses encore, écrit, et magnifiquement traduit, dans une prose savante, populaire, lyrique, comique, triviale – mélange de styles, de tons, de niveaux de langue qui réserve de longs moments de délectation. »

 

A mercredi!

De la Norvège à la censure : voyage du jour

On est en Norvège…
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Une vitrine complète dédiée à la traduction des livres de Mircea Cartarescu…

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Une vue de chez norli, (les photos sont de Steinar Lone), un libraire dont vous découvrirez le site en cliquant sur son nom …

C’est la nouvelle du jour: le succès, déjà, du tome 2 de la trilogie de l’écrivain roumain dans la traduction de Steinar Lone, mon confrère norvégien. Je suis heureuse pour les deux, l’auteur et le traducteur.

J’ai visité le site de la librairie pour le plaisir de « les mer »  avoir l’impression d’en connaitre un chapitre, de cette langue nordique (l’allemand, ça aide!); pour m’amuser à dire le nom de mon métier : « oversetter »; pour découvrir des catégories de romans qui n’existent pas en France (je vous laisse y aller seul, on verra si j’ai des retours); pour comparer les différentes couvertures de livres, un petit jeu que j’aime bien; et même pour me poser d’insondables problèmes en découvrant pour certains ouvrages une pagination incroyablement différente d’une langue à l’autre …

… et c’est en faisant cette promenade virtuelle que j’ai découvert que Steinar a aussi traduit (entre autres nombreux ouvrages) Le Con d’IrèneIrenes fitte en norvégien…

Le roman érotique de Louis Aragon, parut sous le manteau en 1928 signé Albert de Routisie pour dérouter la censure… Régine Deforges le republia en 1968 sous un titre passe-partout – ce qui n’empêcha pas la saisie de l’ouvrage…

Je suis hors-sujet???

Pas tant que ça, finalement …

… car je tombe ce soir sur un cas de caviardage  – quand je vous aurai dit de quoi, vous verrez qu’il fut question de censure – ou d’autocensure.  Le texte sur lequel je travaille  présente un duo de « calmi peripateticieni »  autrement dit, vous l’aurez compris, de « calmes pérépatéticiens »… Mes promeneurs aristotéliciens jouent les hommes invisibles dans la version française de 1968… Je leur redonne droit de cité.

Bibliomane, bibliotaphe, bibliognoste : lequel êtes-vous?

Partie sur les traces, hier, de Till Eulenspiegel , autrement dit Til l’Espiègle, je suis tombée sur une édition belge de 1835 dont l’avant -propos, signé par un bibliophile passionné, contient quelques définitions de mots suffisamment rares pour que j’aie envie de les partager ici.

Cette édition n’est, pourtant, pas du tout la meilleure pour savourer les facéties du personnage.

Il faut lui préférer celle de Pierre Jannet, « première traduction complète faite sur l’original allemand de 1519 », car elle est bien plus complète et surtout, bien meilleure.till.JPG

Pour l’instant, ce que je livre à votre sagacité, vous mes lecteurs qui êtes, je le sais, amoureux des livres, ce sont ces quelques lignes :

« On moque le bibliophile et ses soi-disants confrères, le bibliomane, le bibliotaphe et le bibliognoste. Le premier est évidemment plus éclairé et plus utile à la littérature, parce que, ne s’attachant qu’aux bons ouvrages, il rend nécessairement les auteurs plus circonspects, plus difficiles et plus soigneux dans leurs productions.

La bibliomanie est la fureur de posséder des livres, non pas tant pour s’instruire que pour les avoir et pour en repaître sa vue.

 

Le bibliotaphe, mot tiré du grec, comme le précédent, signifie enterreur de livres. Le terme s’applique à ceux qui n’achètent des livres que pour les enfouir et empêcher les autres d’en profiter. Ils sont aux livres ce que les avares sont à l’argent.

 

Bibliognoste : l’on doit ce mot à l’abbé Rive. Le bibliognoste est celui qui ne connaît guère que l’histoire des livres, leurs titres, la date de leurs différentes éditions, le lieu où elles ont été faites, le nom des éditeurs, des imprimeurs etc., enfin, ce qui tient particulièrement au matériel des livres. »

Alors, vous êtes quoi?

Fièvre du vin de centaurée

J’étais en train de traduire, extrait d’un roman, un très joli passage dont l’action se situe dans une apothicairerie, au début du dix-huitième siècle. Le narrateur relate la mésaventure cocasse et, finalement, bénéfique, d’un enfant (lui-même) placé chez un vieillard très sympathique, toujours plongé dans Le poème de la médecine d’Avicenne et grand amateur de remèdes anciens et rares.

 

Et puis voilà mon apothicaire en train d’administrer à son pupille, pour le soigner d’un mal quelconque, un sirop de frigurică. Et le gamin aime tellement ça qu’il en devient accro, un véritable ivrogne….

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Hum hum, quand un traducteur voit poindre la possibilité d’une recherche dans le vaste lexique des végétaux, il se frotte les mains ! Surtout quand s’y rajoute l’énigme d’une plante qui enivre.

 

Sans surprise, je trouve dans le dico roumain le nom latin de la belle – mais vous le cache pour l’instant, histoire de ménager le relatif suspens de cette chronique.

Je trouve assez évident ce que me dit le dictionnaire, frigul le froid, frigurele, la fièvre, avec le diminutif –ică. Tiens, voilà une plante contre la fièvre, un fébrifuge traditionnel.

 

Ça ne me donnait toujours pas le nom de la plante en français.

Erythraea pulchella est une centaurée.

Dans mon texte, la petite centaurée, réputée pour son amertume. On sait depuis les temps anciens que cette amertume est gage, lorsqu’elle vient des plantes, de stimulation de l’immunité, d’ouverture de l’appétit et des voies biliaires, d’élimination des déchets.

Or, dans la médecine traditionnelle, pour faire baisser la fièvre, il faut faire « sortir le mal ». D’où l’emploi très répandu de cette plante amère, comme tant d’autres ayant les mêmes vertus, avec en premier lieu la gentiane, le chardon bénit, l’épinette vinette, le pissenlit, l’artichaut etc.

 

Et mon « sirop de petite centaurée » ? Pourquoi le rend-il ivre, ce pauvre enfant ?

 

Eh bien, « dans nos campagnes », comme on dit, on préparait autrefois un « vin de centaurée ». Un bitter, si vous préférez, autrement dit une boisson amère, sucrée et fortement alcoolisée dont on ne peut s’amuser à fioler sans modération…

 

Pour revenir à mes moutons : je constate en roumain que ce joli mot a choisi, pour se former, à partir du latin febris, la voie domestique et pratique. Cette plante porte donc le nom du mal qu’elle combat. Chateaubriand raconte quelque part : « On m’avait guéri d’une fièvre avec de la petite centaurée ».

Alors que la langue française a choisi de se souvenir du centaure Chiron, rangé parmi les habiles médecins (Littré).

Photo Laurent Crassous.