De la Norvège à la censure : voyage du jour

On est en Norvège…
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Une vitrine complète dédiée à la traduction des livres de Mircea Cartarescu…

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Une vue de chez norli, (les photos sont de Steinar Lone), un libraire dont vous découvrirez le site en cliquant sur son nom …

C’est la nouvelle du jour: le succès, déjà, du tome 2 de la trilogie de l’écrivain roumain dans la traduction de Steinar Lone, mon confrère norvégien. Je suis heureuse pour les deux, l’auteur et le traducteur.

J’ai visité le site de la librairie pour le plaisir de « les mer »  avoir l’impression d’en connaitre un chapitre, de cette langue nordique (l’allemand, ça aide!); pour m’amuser à dire le nom de mon métier : « oversetter »; pour découvrir des catégories de romans qui n’existent pas en France (je vous laisse y aller seul, on verra si j’ai des retours); pour comparer les différentes couvertures de livres, un petit jeu que j’aime bien; et même pour me poser d’insondables problèmes en découvrant pour certains ouvrages une pagination incroyablement différente d’une langue à l’autre …

… et c’est en faisant cette promenade virtuelle que j’ai découvert que Steinar a aussi traduit (entre autres nombreux ouvrages) Le Con d’IrèneIrenes fitte en norvégien…

Le roman érotique de Louis Aragon, parut sous le manteau en 1928 signé Albert de Routisie pour dérouter la censure… Régine Deforges le republia en 1968 sous un titre passe-partout – ce qui n’empêcha pas la saisie de l’ouvrage…

Je suis hors-sujet???

Pas tant que ça, finalement …

… car je tombe ce soir sur un cas de caviardage  – quand je vous aurai dit de quoi, vous verrez qu’il fut question de censure – ou d’autocensure.  Le texte sur lequel je travaille  présente un duo de « calmi peripateticieni »  autrement dit, vous l’aurez compris, de « calmes pérépatéticiens »… Mes promeneurs aristotéliciens jouent les hommes invisibles dans la version française de 1968… Je leur redonne droit de cité.

Bibliomane, bibliotaphe, bibliognoste : lequel êtes-vous?

Partie sur les traces, hier, de Till Eulenspiegel , autrement dit Til l’Espiègle, je suis tombée sur une édition belge de 1835 dont l’avant -propos, signé par un bibliophile passionné, contient quelques définitions de mots suffisamment rares pour que j’aie envie de les partager ici.

Cette édition n’est, pourtant, pas du tout la meilleure pour savourer les facéties du personnage.

Il faut lui préférer celle de Pierre Jannet, « première traduction complète faite sur l’original allemand de 1519 », car elle est bien plus complète et surtout, bien meilleure.till.JPG

Pour l’instant, ce que je livre à votre sagacité, vous mes lecteurs qui êtes, je le sais, amoureux des livres, ce sont ces quelques lignes :

« On moque le bibliophile et ses soi-disants confrères, le bibliomane, le bibliotaphe et le bibliognoste. Le premier est évidemment plus éclairé et plus utile à la littérature, parce que, ne s’attachant qu’aux bons ouvrages, il rend nécessairement les auteurs plus circonspects, plus difficiles et plus soigneux dans leurs productions.

La bibliomanie est la fureur de posséder des livres, non pas tant pour s’instruire que pour les avoir et pour en repaître sa vue.

 

Le bibliotaphe, mot tiré du grec, comme le précédent, signifie enterreur de livres. Le terme s’applique à ceux qui n’achètent des livres que pour les enfouir et empêcher les autres d’en profiter. Ils sont aux livres ce que les avares sont à l’argent.

 

Bibliognoste : l’on doit ce mot à l’abbé Rive. Le bibliognoste est celui qui ne connaît guère que l’histoire des livres, leurs titres, la date de leurs différentes éditions, le lieu où elles ont été faites, le nom des éditeurs, des imprimeurs etc., enfin, ce qui tient particulièrement au matériel des livres. »

Alors, vous êtes quoi?

Les beaux Avatars d’Orbitor

De belles choses se passent, parfois… J’ai reçu aujourdh’ui un mail de Steinar Lone – le traducteur norvégien de la trilogie de Mircea Cărtărescu, Orbitor. Heureux de voir dans son pays le tome 2  sortir en librairie, il m’envoie la couverture du livre. Et un cadeau, celui que Mircea Cărtărescu lui-même accorde à ses traducteurs de par le monde en les remerciant publiquement, nominalement, dans un grand entretien accordé à la revue Romania Literară. Belle journée, je vous dis.
steinar.JPG Je viens de vérifier, kroppen signifie, en norvégien, comme de juste, « Le Corps ».

Je rappelle à cette occasion que le premier volume (en roumain Orbitor – L’Aile gauche) s’intitule en français Orbitor, dans une traduction d’Alain Paruit (Denoël).
Le second volume (Orbitor – Le Corps) a pour titre L’Oeil en feu également traduit par Alain Paruit.
Le troisième tome (Orbitor -L’Aile droite) est comme vous le savez en français dans ma traduction L’Aile tatouée.

En 2008, Inger Johansson la Suédoise a été la première à mettre le point final à la traduction du troisième tome…orbitor inger
Ce qui est tout de même très sympathique est que nous avons eu tous trois l’occasion de nous rencontrer, en 2008, lorsque j’ai organisé pour l’Institut culturel et l’association des traducteurs de littérature roumaine (ATLR) notre grande rencontre parisienne…

Steinar est écrivain, journaliste et traducteur d’italien, de roumain et de français (Camil Petrescu, Umberto Eco, Catherine Breillat…). Il est aussi bon gastronome. Il a mis en ligne un très sympathique vocabulaire gastronomique anglais-français… norvégien!

Le consulter, c’est parler. S’y attarder, c’est prendre son billet d’avion pour la Norvège!

Bon courage Steinar pour la suite du travail!

L’Echo Républicain : Profession traductrice

 

Que font deux traductrices quand elles se rencontrent?
Elles parlent de traduction!

Et quand elles le font devant un public attentif, curieux, qui pose des questions…elles dévoilent des aspects intéressants de leur travail.
La salle d’exposition de la librairie L’Esperluette à Chartres était pleine à craquer mercredi soir pour la rencontre croisée entre Olivier L’Hostis, Elena Balzamo et moi. La soirée fut belle.
Personnellement, j’ai beaucoup aimé le moment où Elena Balzamo a choisi, à la demande d’Oliver L’Hostis, une des lettres de Strindberg. La traductrice a lu une missive que l’auteur suédois envoya à ses parents alors qu’il n’avait que 9 ans (à l’époque, c’était chose commune, que d’écrire à ses parents même bien avant cet âge-là). Quelques paragraphes charmants qui ne laissent pas augurer du caractère de chien qui sera celui de l’auteur adulte… Puis une seconde lettre, rédigée à 12 ans à l’adresse de son frère et dans laquelle tout son talent de futur dramaturge éclate de manière évidente. Il faut lire cette fameuse lettre annonçant au frangin le décès de leurs parents…
Puis on m’a demandé de lire un passage de L’Aile tatouée. J’ai choisi d’illustrer la vision de Cartarescu qui se souvient de l’enfant d’une dizaine d’années qu’il était et qui rêvait, observant l’interieur d’une télévision tombant très souvent en panne et que le réparateur venait opérer sur la table de la salle à manger : « une fois le dos retiré, c’était une ville étrange qui nous était dévoilée, fascinante (…) Des terrasses et des esplanades chargées de constructions de verre fumé, chacune bien fixée sur son socle. Des coupoles étincelantes, des réseaux de câblage souterrains, des piliers de céramique où luisait le code des couleurs, des mécaniques compliquées  avec un coeur de ferrite (…) Dans la ville sous la carcasse de contreplaqué existaient sans doute des bâtiments et des coupoles où les services secrets avec de minuscules fonctionnaires contrôlaient le trajet de chaque quantum d’énergie, sculptant l’information d’après des critères occultes, modelant et modulant ses méandres jusqu’au méconnaissable. Jamais entre l’esprit et le monde n’avait existé un intermédiaire aussi rusé, traitre et empoisonné, une fenêtre vers les choses aussi semblable à un hachoir. »

Un autre extrait ici, mis en ligne par les éditions Denoël.

Et voici l’article publié vendredi 5 février dans l’Echo Républicain :IMAGE0001-copie-5.JPG