Article du Monde du 17 janvier 1989

Mardi 17 Janvier 1989

 

La clôture de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe
La Roumanie n’a voulu prendre  » aucun engagement  » de respecter le document final

 

(15 JANVIER 1989)

 

Les trente-cinq pays participants (toute l’Europe sauf l’Albanie plus les Etats-Unis et le Canada) à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, réunie depuis novembre 1986 à Vienne, ont adopté, le dimanche 15 janvier, par consensus, le document de clôture de la CSCE. Celui-ci comporte, en annexe, le mandat pour les vingt-trois pays membres de l’OTAN ou du pacte de Varsovie d’entamer, dans la semaine du 6 mars prochain, des négociations sur les forces armées en Europe. La conférence de Vienne, troisième conférence-bilan dans le cadre des suites de la CSCE après Belgrade (1977) et Madrid (1980-1983), sera close du 17 au 19 janvier en présence des ministres des affaires étrangères des pays participants. Le document final prévoit dix conférences de suivi d’ici à la quatrième conférence-bilan, qui s’ouvrira, à Helsinki, le 24 mars 1992.

 

VIENNE

de notre correspondante Sauvée in extremis du naufrage par un compromis intervenu, samedi, dans un conflit territorial gréco-turc (le Monde daté 15 -16 janvier), la conférence de Vienne a connu, dimanche, un dernier coup de théâtre dû au président roumain Ceausescu, qui, décidément, ne laisse pas passer une occasion de consolider sa mauvaise réputation internationale. La Roumanie a fait savoir dans une  » déclaration interprétative  » – prévue dans le règlement de la CSCE – qu’elle estime que  » certaines des dispositions du document final ouvrent la voie à l’ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats, à la violation de l’indépendance et de la souveraineté nationales et encouragent des activités d’obscurantisme rétrograde « . Par conséquent, elle ne prend  » aucun engagement  » sur la mise en oeuvre des dispositions sur lesquelles elle a émis des réserves (liberté de circulation et de religion notamment).

La position roumaine a été vivement critiquée par le représentant des Etats -Unis, M. Warren Zimmermann, qui a qualifié d’  » absurde  » et d’  » illégale  » la tentative du Bucarest de se dérober aux engagements qu’elle a pris en adoptant avec les trente-quatre autres pays le document final. La Roumanie  » payera cher  » le non-respect du document final et en subira les conséquences dans ses relations internationales, a estimé M. Zimmermann. La Roumanie avait présenté, peu avant la fin des travaux de rédaction, dix -sept projets d’amendements qui n’ont pas été pris en considération.

Le document final reflète la bonne volonté de l’Est – qui a fait des concessions importantes en matière de droits de l’homme – et de l’Ouest, qui a accepté bon gré malgré le principe d’une conférence sur le même sujet à Moscou, une proposition gorbatchévienne qui avait été fort mal accueillie il y a deux ans. M. Zimmermann n’a pas hésité à voir dans le texte de Vienne  » le plus important document signé par l’Est et l’Ouest depuis Helsinki  » (en 1975). Son homologue soviétique, M. Iouri Kachlev, a qualifié de  » sans précédent  » le programme de suivi de la conférence de Vienne et s’est félicité du fait que trois des conférences prévues auront lieu à l’Est (Sofia, Moscou, Cracovie). Il a annoncé que le document final sera rendu public en Union soviétique a onze millions d’exemplaires. Les Américains ont cependant lié leur accord de dernière minute à la conférence de Moscou à l’inclusion au document d’une  » déclaration  » garantissant la transparence et l’accès aux réunions de suivi des médias, des organisations non gouvernementales, groupes religieux et particuliers aux conférences, ainsi que les contacts avec les citoyens du pays hôte et l’organisation de rassemblements pacifiques en marge des conférences.

Les trois chapitres du document ou  » corbeilles  » sont consacrés à la sécurité militaire en Europe, à la coopération économique, scientifique et technologique, enfin à la coopération dans les domaines humanitaires.

Liberté d’éducation

religieuse

Cette dernière  » corbeille  » a été remplie, à la demande des Occidentaux, d’une série d’engagements précis concernant la liberté religieuse, les droits des minorités, la libre circulation des personnes et le droit des détenus à un traitement humain (notamment par l’interdiction de traitement psychiatrique). Aussi le document précise que la liberté de religion signifie également l’élimination de toute discrimination fondée sur la religion, la garantie de la libre -pratique de la foi, le respect des lieux du culte et des structures hiérarchiques des communautés religieuses, enfin la liberté de l’éducation religieuse.

En matière de déplacement, le document engage les Etats à respecter le droit de chacun de  » circuler librement, de choisir sa résidence à l’intérieur des frontières de chaque Etat et de quitter tout pays, y compris le sien et d’y revenir « . Il confirme aussi le droit des réfugiés  » de retourner chez eux en toute sécurité s’ils le désirent « . Pour lutter contre les pratiques arbitraires, le texte prévoit  » des délais aussi brefs que possible, mais en tout état de cause n’excédant pas six mois  » pour répondre à toute demande de contact entre personnes. Ces délais sont réduits à un mois pour les demandes de rencontre de familles, à trois mois pour les mariages et à trois jours en cas d’urgence (décès, maladie grave de parents). Autre nouveauté acceptée avec des grincements à l’Est : les motifs d’un refus doivent être notifiés par écrit. De même, pour éviter des abus de refus de voyage pour  » raison de sécurité nationale « , les signataires s’engagent à tenir compte du délai pendant lequel un requérant n’a plus été en contact avec des questions de sécurité nationale. Mais ce délai n’a pas été quantifié, contrairement aux voeux des Occidentaux qui souhaitaient le voir limité à un an.

Un élément tout à fait nouveau est le mécanisme de contrôle – bilatéral et multilatéral à la fois – de la mise en oeuvre de ces dispositions. Le document oblige notamment les Etats à répondre aux demandes d’information qui leur sont adressées par d’autres Etats en matière humanitaire. Le risque d’être publiquement cloué au pilori en sera renforcé.

Comme par le passé, la deuxième corbeille (coopération économique) a fait figure de parent pauvre. Nombre de pays – les Etats-Unis en tête – estiment en effet que la CSCE n’est pas le forum approprié pour discuter des questions économiques. En revanche, la série récente de catastrophes et incidents écologiques a sensiblement augmenté l’intérêt pour la protection de l’environnement, qui fera l’objet d’une conférence de suivi à Sofia.

 

BARYLI WALTRAUD

 

 

Tous droits réservés : Le monde Diff. 367 153 ex. (source OJD 2005)
 

 

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