Tour d’Europe en deuch

Faire une boucle :

« Ni aller ni retour, mais trajet. Longer une côte, rejoindre une montagne. Contourner une mer. Traverser une steppe, remonter vers le nord. On ne va pas « à », on passe « par ».  »

Beaucoup de visages, dans les salles de signature, au café littéraire, à l’auditorium et autour des tables des libraires…. Et sur les murs de la Salamandre à Cognac, des photos. En noir et blanc. De grands tirages ayant souvent un point commun : une Acadiane qui trône au beau milieu du paysage. Elle se pose là, la Deuche, la Deux pattes, si vous préférez. Cette coquille de noix, ses propriétaires Olivier Laporte et Soizic Drogueux y ont installé deux couchettes et ont poussé cette bonne vieille mécanique dans un tour d’Europe. Des fous. De beaux fous, ces deux là. J’adore ça. Un couple mi-musicien mi-écrivain, plus une belle part de talent photographique qui fait exploser le tout.

Regardez, voici quelques unes des photos d’Olivier Laporte. Il a aussi un bon bout de plume, ce voyageur. Quelque chose de pointu comme son visage. Quel sera l’éditeur qui leur proposera d’en faire un livre?

« Grand Bazar d’Istambul »  © Olivier Laporte

Saint Basile Moscou © Olivier Laporte

Littératures européennes – Cognac

Vive les critiques qui lisent les livres!

« Voyage au coeur de la société » : avec un intitulé pareil, tout était possible, et surtout le pire. Heureusement, Eric Naulleau fait partie de ceux qui, dans la profession et même loin des sunlights lisent réellement les livres des auteurs qu’ils reçoivent.

Ce fut évident, dimanche, au dernier jour de Littératures Européennes, à Cognac. Alors, exit les questions bateau. Pas trace de généralisation à outrance.

Réaction de Dan Lungu à l’issue de la rencontre: « la question de la nostalgie paradoxale, qui est au coeur du roman Je suis une vieille coco !, a très rarement été si bien perçue, même en Roumanie ».

Bien entendu, j’étais aux premières loges (tout à côté de Dan et juste un peu en retrait) pour apprécier le canevas serré des questions, qui toutes faisaient mouche et donnaient loisir à l’auteur de répondre. Un vrai plaisir, d’avoir à traduire des réponses intelligentes, directes et franches. Comme on dit, « à bonne question, bonne réponse ».

 

Le regard du modérateur était tout aussi aigu pour interroger Patrick Pesnot (Les secrets de la Françafrique) et Adriaan Van Dis dont Dan Lungu et moi-même étions flanqués sur scène.

Le Promeneur de M. Van Dis vous paraîtra encore plus savoureux, quand vous saurez pourquoi le romancier a imaginé un chien pour mener son personnage dans l’envers du décor parisien… Adriaan Van Dis a un Nez. Il fait partie de ces personnes qui ont un sens de l’odorat particulièrement développé. Alliée dans le même homme à une vaste culture, à une grande courtoisie, à une éloquence pleine d’humour et toujours subtile, cette perception-là donne une nouvelle dimension au monde. Dans un livre, promener un chien qui fourre sa truffe partout, c’est une manière de se trouver « au cœur de la société ». Renifler la merde et la beauté, cela a déjà été fait. Mais, comme dit Baudelaire…

Quelques jours à Cognac

 

Erlend Loe, lauréat du Prix Jean Monnet des Jeunes Européens, signe Muleum.

A un saut de TGV de Montparnasse – Angoulême. A trois pas d’Angoulême – les Littératures européennes en grand rendez-vous annuel à Cognac… Tout ce que j’aime – quand que je ne suis pas penchée sur une traduction. J’ai laissé derrière moi un manuscrit inédit de Cioran – presque fini. Mais j’ai emporté le vertigineux Orbitor de Mircea Cartarescu, ce troisième tome de la trilogie composant un roman-monde. Quelques unes de ses pages vont se dédoubler, ici, aussi – dans le calme de la chambre d’hôtel et entre deux rencontres avec des lecteurs… de Dan Lungu.

C’est pour lui que je suis à Cognac. Je suis une vieille coco! fait partie de la sélection du Prix Jean Monnet des Jeunes Européens, en ouverture du festival qui dure quatre jours… et les traducteurs sont conviés aux côtés des auteurs. Également sélectionnés et présents : l’Islandaise Eva Minervudottir pour son recueil de nouvelles Pendant qu’il te regarde, tu es la Vierge Marie accompagnée de sa traductrice  Catherine Eyjolfsson et le Norvégien Erlend Loe pour son roman Muleum traduit par Jean-Baptiste Coursaud.

 

Nous rentrons juste de l’auditorium de la Salamandre (l’emblême de François 1er est omniprésent dans la ville) et même si Dan Lungu n’est pas le lauréat de cette édition, nous nous sentons tout légers, tout portés par ce que nous ont transmis ces lycéens du jury et leurs professeurs: la prose légère comme l’air de la fine Eva, les tribulations aéroportuaires de Julie, l’héroïne norvégienne d’Erlend Loe et l’humour de l’Emilia de Dan les ont également conquis.

Un drôle de grand écart, tout de même, ces lectures des confins de l’Europe! Et pourtant, ce sont 260 lycéens de 8 établissements de la région qui ont les ont lus, qui ont argumenté en faveur de l’un ou de l’autre, débattu lors de réunions d’étape pour arriver finalement à un vote et à l’attribution de leur prix. A cette fin, cent exemplaires de chaque roman ont été achetés par les organisateurs et distribués aux élèves. Bel effort.

Comme de juste, voir les écrivains en chair et en os, c’est le summum. Quand on est lycéen, qu’on a passé le premier trimestre à lire en classe, pouvoir demander « en direct live » « mais où trouvez-vous vos idées? », c’est épatant; les interroger sur l’étrange choix d’une héroïne quand on est un homme (hein, pourquoi?) et même se montrer interloqué par un roman « écrit dans le désordre », c’est pas beau, ça? Et puis, on peut les retenir en aparté, les écrivains, à la fin de la rencontre, voler un moment d’intimité lors de la dédicace pour souffler en deux mots l’admiration qu’on n’ose pas revendiquer devant les copains…

 

Le prix Jean Monnet des Jeunes Européens va à Erlend Loe et à son roman Muleum. Il faut le lire, ne serait-ce que pour fondre de tendresse et de mélancolie, à la toute fin du roman, quand on apprend pourquoi l’héroïne elle-même a choisi ce titre étrange. Et plonger dans l’ouvrage sur papier rose -aisément identifiable, comme tous les livres de l’éditeur Gaïa- permettra de comprendre les mots du traducteur Jean-Louis Coursaud répondant, tout à l’heure, sur scène, devant les lycéens, à une question sur la difficulté de son travail de traduction de ce livre : « ne pas se laisser atteindre par la désespérance du personnage. Ne pas se la prendre en pleine face ».

 

Le titre de ce billet, d’où je le tiens, vous dites-vous. Pour tout Cognaçais qui se respecte, c’est d’un banal!

La « part des anges » est ce volume éthéré qui flotte dans les rues d’ici et se perd à jamais.

J’en ai humé une petite partie. Et j’aime à penser qu’un peu de cet esprit volatile transporte l’intérêt des lecteurs vers nos confins littéraires si exotiques.

 

 

Ci-contre, Dan Lungu signe Je suis une vieille coco!

Prix Jean Monnet des Jeunes Européens

Cognac, la part des anges

Erlend Loe, lauréat du Prix Jean Monnet des Jeunes Européens, signe Muleum.

A un saut de TGV de Montparnasse – Angoulême. A trois pas d’Angoulême – les Littératures européennes en grand rendez-vous annuel à Cognac… Tout ce que j’aime – quand que je ne suis pas penchée sur une traduction. J’ai laissé derrière moi un manuscrit inédit de Cioran – presque fini. Mais j’ai emporté le vertigineux Orbitor de Mircea Cartarescu, ce troisième tome de la trilogie composant un roman-monde. Quelques unes de ses pages vont se dédoubler, ici, aussi – dans le calme de la chambre d’hôtel et entre deux rencontres avec des lecteurs… de Dan Lungu.

C’est pour lui que je suis à Cognac. Je suis une vieille coco! fait partie de la sélection du Prix Jean Monnet des Jeunes Européens, en ouverture du festival qui dure quatre jours… et les traducteurs sont conviés aux côtés des auteurs. Également sélectionnés et présents : l’Islandaise Eva Minervudottir pour son recueil de nouvelles Pendant qu’il te regarde, tu es la Vierge Marie accompagnée de sa traductrice  Catherine Eyjolfsson et le Norvégien Erlend Loe pour son roman Muleum traduit par Jean-Baptiste Coursaud.

 

Nous rentrons juste de l’auditorium de la Salamandre (l’emblême de François 1er est omniprésent dans la ville) et même si Dan Lungu n’est pas le lauréat de cette édition, nous nous sentons tout légers, tout portés par ce que nous ont transmis ces lycéens du jury et leurs professeurs: la prose légère comme l’air de la fine Eva, les tribulations aéroportuaires de Julie, l’héroïne norvégienne d’Erlend Loe et l’humour de l’Emilia de Dan les ont également conquis.

Un drôle de grand écart, tout de même, ces lectures des confins de l’Europe! Et pourtant, ce sont 260 lycéens de 8 établissements de la région qui ont les ont lus, qui ont argumenté en faveur de l’un ou de l’autre, débattu lors de réunions d’étape pour arriver finalement à un vote et à l’attribution de leur prix. A cette fin, cent exemplaires de chaque roman ont été achetés par les organisateurs et distribués aux élèves. Bel effort.

Comme de juste, voir les écrivains en chair et en os, c’est le summum. Quand on est lycéen, qu’on a passé le premier trimestre à lire en classe, pouvoir demander « en direct live » « mais où trouvez-vous vos idées? », c’est épatant; les interroger sur l’étrange choix d’une héroïne quand on est un homme (hein, pourquoi?) et même se montrer interloqué par un roman « écrit dans le désordre », c’est pas beau, ça? Et puis, on peut les retenir en aparté, les écrivains, à la fin de la rencontre, voler un moment d’intimité lors de la dédicace pour souffler en deux mots l’admiration qu’on n’ose pas revendiquer devant les copains…

 

Le prix Jean Monnet des Jeunes Européens va à Erlend Loe et à son roman Muleum. Il faut le lire, ne serait-ce que pour fondre de tendresse et de mélancolie, à la toute fin du roman, quand on apprend pourquoi l’héroïne elle-même a choisi ce titre étrange. Et plonger dans l’ouvrage sur papier rose -aisément identifiable, comme tous les livres de l’éditeur Gaïa- permettra de comprendre les mots du traducteur Jean-Louis Coursaud répondant, tout à l’heure, sur scène, devant les lycéens, à une question sur la difficulté de son travail de traduction de ce livre : « ne pas se laisser atteindre par la désespérance du personnage. Ne pas se la prendre en pleine face ».

 

Le titre de ce billet, d’où je le tiens, vous dites-vous. Pour tout Cognaçais qui se respecte, c’est d’un banal!

La « part des anges » est ce volume éthéré qui flotte dans les rues d’ici et se perd à jamais.

J’en ai humé une petite partie. Et j’aime à penser qu’un peu de cet esprit volatile transporte l’intérêt des lecteurs vers nos confins littéraires si exotiques.

 

 

 

Ci-contre, Dan Lungu signe Je suis une vieille coco!

 

Entretien express avec le traducteur du Médicis étranger

Satisfaite de se voir entourée de ses auteurs, amies éditrices, libraires préférés et collaborateurs, heureuse de voir un livre traduit d’une langue qui lui tient à coeur recevoir un des grands prix littéraires de la rentrée, le Médicis étranger, Jacqueline Chambon rayonnait, hier soir, lors de la réception qu’elle donnait au Lutetia. Il y avait du monde, et parmi les éditrices Joëlle Losfeld, Liana Levi… J’ai vu aussi Nancy Huston. Et puis j’ai rencontré des traducteurs d’allemand, un sympathique traducteur de littérature libanaise dont le coeur bat pour… Ghérasim Luca et les génies roumains de l’Avant Garde. Du coup, jolie petite conversation qui nous a menés de Tzara aux Lettristes et au célèbre Ben en passant par Brauner… Et puis, soleil, tout d’un coup: apparition de la toujours pétillante Martine Grelle, à la veille de recevoir ses écrivains du monde entier pour une nouvelle édition des Belles Etrangères.   link.

Un Garçon parfait (Ein perfekter Kellner) du Bâlois Alain Claude Sulzer a été traduit par Johannes Honigmann… et j’en ai profité pour parler un peu avec lui, au milieu des convives, au son des bouchons de champagne et dans le rouge éclatant des tentures du salon Pompéïen. L’ambiance Art Déco du Lutetia allait d’ailleurs parfaitement bien avec celle du roman dont l’action se passe en grande partie dans les années 30:
« Pas de grandes difficultés dans la traduction de ce livre » explique Johannes Honigmann. Pas même quelques aspects régionaux, étant donné que l’auteur est de Suisse allémanique? « Non, Alain Claude Sulzer emploie une langue allemande très pure. Il a le désir de retrouver, même dans ses livres qui se passent aujourd’hui, un style classique, épuré. C’est les années 30″.
Traduire signifie aussi lire autour du livre à traduire. Pas d’exception pour Johannes Honigmann qui a  été voir du côté d’Orwell :  « J’ai juste relu le livre où Orwell décrit son expérience dans un grand hôtel parisien… Il y faisait la plonge.  Cela m’a aidé pour tous ces termes très précis comme chef de rang, maître d’hôtel etc. qu’on ne connaît pas forcément quand on n’est pas du métier et qu’on ne fréquente pas les grands hôtels. »
S’il s’agit du livre auquel je pense, Vache enragée, eh bien il y a une préface Panaït Istrati, autre habitué des petits boulots et des épinards sans beurre dedans.
L’histoire de cette découverte? (rappelons qu’il s’agit de la première traduction française d’un livre d’Alain Claude Sulzer):  « C’est une co-découverte. Jacqueline Chambon connaissait le livre. Je voulais traduire quelque chose pour elle. Il n’a pas été nécessaire de faire preuve de beaucoup de force de conviction pour la convaincre. »
Joie de Jacqueline Chambon, satisfaction du traducteur : « C’est forcément un peu la traduction qui est récompensée. J’en retire une fierté, mais pas un orgueil ».
Ce jeune traducteur de langue maternelle allemande s’apprête à partir vivre à Berlin « où la vie est moins chère ». On l’a donc rencontré juste à temps: merci, membres du jury du Médicis!
Et nous? Eh bien, nous allons vite lire ce roman.